Des criées fermées, des prix du poisson qui s’écroulent, les pêcheurs bretons restent à quai. Des conditions sanitaires difficiles à respecter sur les bateaux ou des sorties en mer qui coûtent plus qu’elles ne rapportent, les professionnels de la pêche naviguent à vue.

“Je ne vais pas aller en mer aujourd’hui. La semaine dernière, notre poisson s’est vendu 30 à 40% moins cher que d’habitude, ça couvre à peine les frais de gazole et les charges. A quoi bon prendre la mer si notre marchandise reste sur les bras ?”, explique, amer, Grégory Métayer, pêcheur côtier à Saint-Quay-Portrieux. Le mareyage va-t-il continuer ? Les marchés vont-ils restés ouverts ? Les consommateurs vont-ils racheter des produits frais ? Autant de questions qui restent en suspens et qui ne rassurent pas les professionnels de la mer. Ce soir 4 bateaux sur 5 de pêche côtière partent en mer, en espérant que la criée de mardi sera de meilleure augure que celle de la semaine dernière.

“Achetez du poisson frais plutôt que des poissons panés !”

Dans les Côtes d’Armor, il n’y a plus qu’une criée. C’est à Saint-Quay-Portrieux que se concentre la vente des poissons. Au Guilvinec, dans le Finistère, la criée du matin pour la pêche hauturière est annulée, seule celle de la pêche côtière est maintenue. “La semaine dernière a été très difficile. Avec la fermeture des restaurants, des restaurations collectives, on s’est retrouvés avec des poissons en nombre sur les bras, comme du Turbot, de la Lotte”, explique un responsable de la criée du Guilvinec. Les bateaux de Dominique Thomas, président de l’OP Cobrenord, organisation de producteurs qui regroupe 180 navires adhérents, dont 11 hauturiers, n’ont pas repris la mer depuis mercredi dernier. “Nous sommes à l’arrêt. On n’arrivait pas à vendre la production de la pêche hauturière.” Les prémices du confinement puis sa mise en place a modifié les habitudes de consommation des français. Les produits de longue conservation ont été largement privilégiés aux produits frais. “Les prix ont complètement chuté, mais pas forcément sur les étals. Certains poissonniers n’ont pas été solidaires sur ce coup-là. J’aimerais bien que les français le soient et achètent nos produits frais plutôt que des poissons panés ! Je n’ai pas envie de rester à quai, mais il ne faut pas, non plus, que je perde d’argent à aller en mer”, s’alarme Grégory Métayer. Face à l’écroulement des prix, aux criées qui fonctionnent a minima, les différents organisations représentatives du secteur ont fait un communiqué aux armements de pêche bretons. Ils insistent sur le fait que “…le gouvernement doit tenir toutes ses promesses quant à un soutien inconditionnel aux entreprises et à leurs salariés. Les représentants de la pêche bretonne seront particulièrement vigilants à ce que les dispositifs qui seront proposés soient à la mesure de la crise qui est vécue, adaptées aux spécificités de la filière et qu’elles n’oublient pas les entreprises de mareyage.”

Comment respecter les règles sanitaires en mer ?

C’est la question que se posent les pêcheurs et armateurs. “En moyenne, nous sommes 5 par bateau pour la pêche hauturière, presque confinés plusieurs jours ensemble. Je ne peux pas assurer le respect des règles sanitaires à mes gars”, s’inquiète l’armateur Dominique Thomas. Tous les bateaux de haute mer restent donc à quai. Pour la pêche côtière, les patrons se posent les mêmes questions. “C’est pas évident de faire le choix de travailler ou pas. Si j’ai bien compris, nous sommes responsables si un de nos gars est infecté, c’est une lourde responsabilité. Une passerelle fait entre 3 et 5 m, compliqué d’assurer 1 m de distance”, explique le pêcheur des Côtes d’Armor. Les professionnels sont en plein flou, comme beaucoup d’autres secteurs. Flou sur les aides qu’ils pourraient obtenir, sur la vente de leur production, savoir s’il faut prendre la mer ou pas. “Le pêcheur breton il prend la mer, c’est son métier. Difficile de se dire qu’il faut réfléchir à deux fois avant de partir”, affirment ces pêcheurs déconcertés par la crise économique et sanitaire inhérente à l’épidémie du coronavirus.