Les activités nautiques, en Bretagne, démarrent fin février avec l’accueil des écoles du secteur, les classes de mer et les activités de loisirs. Le chiffre d’affaire de ce printemps est nul. L’interdiction des plages jusqu’à début juin passe mal auprès des professionnels.

“L’interdiction d’accès aux plages, c’est une vaste blague !”, lance Matthieu Tréguier, directeur des centres nautiques de Santec et de l’île de Batz, dans le Finistère. Matthieu et ses équipes proposent de l’hébergement et des activités nautiques, 90 classes prévues ne sont pas venues. “Nous vivons toute l’année grâce aux scolaires, nous essayons de faire reporter les séjours annulés pour l’automne-hiver, nous saurons adapter les projets pédagogiques.” Ces centres appartiennent à un groupe appelé “Rêves de mer” qui a 9 structures en Bretagne, 45 salariés en CDI, tous au chômage partiel. L’enjeu maintenant est l’après confinement, le 11 mai. Cédrick Hamon dirige un centre nautique à Pléneuf Val André, dans les Côtes d’Armor. Il a échangé avec la collectivité locale pour prendre des élèves en parallèle de l’école. “Les enfants ont assez fait de tablettes, ils ont besoin de plein air, de faire du sport”, s’enthousiasme Cédrick. L’association “Nautisme en Bretagne”, qui regroupe plus de 700 prestataires, a négocié avec le rectorat pour que les centres nautiques participent à des activités dans le cadre du retour à l’école. “Nous pouvons faire de l’initiation à l’environnement, proposer des activités nautiques où les enfants sont seuls comme sur des optimistes”. Et sans accès à la plage ? “En Bretagne, on peut partir de cale, par exemple”, précise Philippe Rodet, directeur de Nautisme en Bretagne. “Mais faire du char à voile à marée haute, c’est pas facile”, rit jaune Cédrick Hamon. En quoi aller sur la plage serait plus dangereux que d’aller dans un parc ou une forêt, qui eux seront ouverts au public à partir du 11 mai ? “Les plages bretonnes ne sont pas celles de la Méditerranée, on n’est pas serrés les uns sur les autres. La plage, nous y sommes tous les jours, toute l’année, on connaît les règles de sécurité, on peut être garant de leur bon fonctionnement. Ne pas nous y donner accès n’a pas beaucoup de sens”, constate Matthieu Tréguier. Philippe Rodet, le directeur de Nautisme en Bretagne, comprend la frustration mais explique cette situation. “Les autorités ont voulu éviter de surcharger les routes en direction des plages avec les ponts du mois de mai, éviter aussi de mobiliser les secours pour la surveillance des plages, des personnels dont on pourrait avoir besoin en cas de seconde vague d’épidémie et ne pas créer de différence de traitement entre les français des bords de mer et les autres”. Jusqu’à nouvel ordre, les plages bretonnes sont interdites d’accès jusqu’au 2 juin.

Il y aura-t-il des colonies de vacances ?

Cédrick et Matthieu s’interrogent maintenant sur les mois d’été. A Pléneuf Val André, Cédrick Hamon gère un centre d’hébergement et 4 bases nautiques. Il accueille 70 enfants par quinzaine l’été de 6 à 12 ans. “Nous n’avons aucune information sur les colonies de vacances. Nous n’avons aucun protocole sanitaire alors que chaque année on nous explique comme étaler de la crème solaire, c’est ahurissant !” Les enfants sont ensemble 24h sur 24. Les professionnels du secteur réfléchissent entre eux aux règles sanitaires à mettre en place, répartir différemment les chambres, acheter des lessives adéquates, les moyens humains nécessaires pour désinfecter régulièrement. “C’est toute une chaîne qui est bâtie autour de l’activité nautique, l’accueil des familles et des jeunes l’été. Sur l’île de Batz, si nos centres restent fermés, c’est le taxi de l’île, les navettes qui font la traversée, le boulanger, qui seront impactés économiquement aussi. Notre trésorerie est au plus bas, si on ne travaille pas cet été, c’est la catastrophe”, précise Matthieu Tréguier. Les centres nautiques bretons accueillent des enfants de toute la France, pourront-ils venir jusqu’en Bretagne ? “On ne peut pas rester dans le flou comme ça, on a toute une gestion du personnel à prévoir. Combien d’enfants accueillis ? Pour les activités nautiques, s’il n’y a que les locaux, on ne remplit qu’à 20%, je ne vais pas avoir besoin d’autant de moniteurs”, s’inquiète Cédrick Hamon. Le nautisme en Bretagne a une spécificité. La saison débute fin février, 40% du chiffre d’affaire se fait pendant l’année, 60% l’été. Pour les centres d’accueil comme Santec, l’île de Batz ou Pléneuf Val André, c’est quasi 50% l’année, et 50% l’été. “L’impact économique est différent selon les régions, en Bretagne, nos activités nautiques sont déjà bien touchées avec le confinement, il faut que l’ensemble du secteur du tourisme soit remis sur pied après le 2 juin. Si vous avez accès à l’eau, mais qu’il n’y a ni hôtel, ni restaurant, nos activités ne seront pas remises à flot”, s’inquiète Philippe Rodet, directeur de Nautisme en Bretagne.