Le Brexit entre en vigueur ce vendredi 31 janvier 2020. Les pêcheurs bretons sont inquiets de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Pour certains, comme Dominique, 90% de leur pêche provient des eaux britanniques. C’est sur un quai que nous rencontrons Dominique Thomas, pêcheur à Roscoff, ce mercredi matin mais contre toute attente, c’est sur un quai de gare. “Je vais à Paris pour discuter avec les autres pêcheurs français sur ce qui pourrait être un bon accord avec le Royaume-Uni une fois le Brexit entré en vigueur“. Ce marin-pêcheur a deux chalutiers hauturiers et préside OP Cobrenord, organisation de producteurs. “Parmi nos membres, nous avons 11 chalutiers hauturiers qui comme moi pêchent à 90% dans les eaux territoriales britanniques”, explique Dominique. Les pêcheurs français y auront accès jusqu’à fin décembre bien que le Brexit entre en vigueur le 31 janvier 2020. Il y a presque un an pour trouver un accord avec le Royaume-Uni. En parallèle d’un avenir incertain post Brexit, les pêcheurs bretons s’inquiètent des nouveaux quotas de pêche. Les ministres membres de l’Union européenne ont pris en décembre 2019 des mesures pour limiter la pêche du cabillaud. “On nous demande d’utiliser d’autres techniques de chalut à partir de juin 2020 en mer Celtique. Les irlandais, à l’origine de cette demande, bloquent, de fait, l’accès à leurs eaux territoriales”, s’insurge Dominique. Tout le monde s’accorde sur la nécessité de protéger l’espèce mais ce sont les moyens proposés qui ne conviennent pas. “Nous proposons une fermeture temporaire sur une zone géographique délimitée où on ne pourra pas pêcher le cabillaud, pour respecter les quotas. Quand je vais en mer Celtique, c’est pour la pêche de fond, pour pêcher la lotte, la limande, pas le cabillaud. Avec ce nouveau chalut, techniquement, je ne pourrai pas les pêcher”, explique le patron-pêcheur de Roscoff. C’est “un Brexit avant l’heure” ! Les prochains mois seront ceux de la négociation avec les britanniques. Armateur depuis de nombreuses années, Dominique s’inquiète de la teneur de l’accord. “S’ils nous accordent l’accès à leurs eaux mais qu’ils nous font payer les ressources qui s’y trouvent. Qui paie ? Le pêcheur ? Si c’est ça, on met la clé sous la porte”, lâche le président de Cobrenord, coopérative maritime de Bretagne Nord. Ce climat tendu qui règne en Manche incite certains armateurs à se réorganiser et à privilégier, à terme, la pêche côtière en eaux territoriales françaises. Dominique, pour l’instant, n’envisage pas d’abandonner ses chalutiers hauturiers. Il faut, selon lui, un accord gagnant-gagnant pour les britanniques et les français. “Les pêcheurs britanniques vont peu dans les eaux françaises mais le marché français représente beaucoup pour eux. 70% de leurs volumes pêchés est exporté, 40% vont en France, notamment à Boulogne-sur-Mer et Lorient. Ils n’ont pas intérêt à perdre ces marchés”, conclut Dominique. Le département des Côtes d’Armor met également en garde. “Le Conseil Départemental alerte solennellement le négociateur en chef afin que tout soit mis en œuvre pour préserver l’accès aux eaux britanniques à l’ensemble des bateaux français, dans le cadre d’un accord bilatéral entre l’Europe et le Royaume-Uni. La pêche ne doit et ne devra en aucun cas être la variable d’ajustement du Brexit“, précise le communiqué. La pêche costarmoricaine, ce sont plus de 20 000 tonnes de produits pour 60 millions d’euros de chiffre d’affaires. Près de 60% des prises réalisées par les pêcheurs des Côtes d’Armor le sont dans les eaux territoriales du Royaume-uni. “En cas de rupture brutale, c’est donc tout un pan de notre économie locale représentant plus de 1000 emplois directs, et plus de 3000 emplois indirects, qui serait irrémédiablement impacté”, s’inquiètent les élus. Les 11 mois à venir s’annoncent tendus et cruciaux pour la pêche bretonne. Les quotas de pêche, comme un avant-goût du Brexit ?
Les pêcheurs et élus bretons en alerte