Depuis 2011, la société TOWT transporte des marchandises venues d’Amérique, de Scandinavie à bord de vieux gréements. Son projet, un voilier-cargo pour 2022. D’ici 2050, le transport maritime devra réduire de 50 % ses émissions de CO2. De quoi mettre du vent dans les voiles des transporteurs décarbonés.

Ebzh : “Pourquoi s’être lancé dans le transport maritime sur de vieux gréements ? C’est votre côté “Pirate des Caraïbes” ?

Guillaume Le Grand, dirigeant de Towt (TRANSOCEANIC WIND TRANSPORT): “Alors on n’est pas du tout des doux rêveurs, revenir à la voile, ce n’était pas par romantisme ! Le constat est simple, le transport maritime représente 90% des volumes transportés dans le monde. Les accès aux ressources carbonées vont être de plus en plus difficiles, sans parler de la pollution que cela représente. Au large, la source d’énergie renouvelable abondante, c’est le vent !

Ebzh : “Quels arguments avancez-vous pour utiliser le transport à la voile ?”

Guillaume Le Grand : “Nous affrétons quatre vieux gréements mesurant de 20 à 40 mètres pour rallier l’Angleterre, le Portugal, la Scandinavie ou traverser l’Atlantique. Ils ont une capacité de transport de 10, 200 ou 300 tonnes de marchandises. Dès le départ, en 2011, nous savions que ce type de transport est plus lent, plus cher que les cargos qui traversent les océans. Nous avons donc décidé de valoriser les marchandises transportées à la voile par un label “Anemos” (le vent en grec ancien). Ce logo est apposé sur les produits qui portent également un numéro de voyage. Nous renseignons le trajet emprunté par le produit et son bilan carbone, en toute transparence. Le transport est invisible, nous le rendons visible. Quand on fait quelque chose de bien, c’est bien que le consommateur le sache, non ? “

Ebzh : “Dès la création, votre objectif était d’être une alternative aux porte-containers ?”

Guillaume Le Grand : “Dès le début, nous avons compris que le voilier de 25 mètres qui transporte 30 tonnes de marchandises, ce n’était pas suffisant. L’avantage d’être une entreprise, c’est que nous devons faire en sorte que ce type de transport maritime soit économiquement viable ! Nous savons que des clients ne font pas appel à nous parce que nos bateaux sont trop petits. Avant de voir en grand, nous devions rassurer sur la faisabilité et la pérennité du transport à la voile ! Après plusieurs années, c’est fait, nous avons réussi une levée de fonds importante pour pouvoir jouer dans la cour des grands en lançant la construction d’un cargo-voilier

Ebzh : “Le voilier-cargo, c’est l’avenir du transport maritime ?”

Guillaume Le Grand : “L’organisation maritime internationale a signé un accord visant à réduire d’au moins 50 % les émissions de CO2 du transport maritime d’ici 2050, et impose depuis le 1er janvier 2020 d’utiliser des carburants avec un taux de souffre réduit. Quand on voit les délais ça fait sourire car il ne faut pas oublier que le transport maritime est très polluant. Ce secteur pèse environ 4 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre et 10% des émissions de soufre mondiales. Notre cargo-voilier, c’est 67,5 m de long, 1 000 tonnes de marchandises transportées, 12 noeuds en moyenne. La traversée de l’Atlantique durera 12 jours ce qui est dans la moyenne aujourd’hui avec une économie de 10.000 tonnes de CO2 par an et plus de 300.000 tonnes sur sa durée de vie. Nous ne sommes pas les seuls à proposer des alternatives aux cargos polluants, c’est un marché porteur, à nous d’être convaincants !”

Ebzh : “Voir plus grand, c’est chercher de nouveaux marchés”

Guillaume Le Grand: “Le calendrier est posé. Au printemps, nous allons faire un appel à chantier, pour que le cargo-voilier soit prêt fin 2021 pour une exploitation en 2022. Le premier semestre 2020 est consacré à la recherche de nouveaux partenariats. Notre offre intéresse car elle répond aux besoins RSE des grandes entreprises. Avec le label Anemos, les produits transportés à la voile peuvent justifier de l’impact environnemental positif, de la décarbonation concrète. Par contre nous serons fidèles à nos valeurs et continueront de travailler avec des marchés de niches tels que le café, le chocolat, le thé, le textile, la cosmétique, les vins et spiritueux. Nous n’irons pas transporter des gravats !”

Ebzh : “Un transport maritime plus vert, une illusion ou vous sentez le vent tourner ?”

Guillaume Le Grand : “Notre modèle est simple car c’est, selon moi, la seule façon de faire de l’écologie concrète et positive et qui est économiquement réaliste. Nous ne sommes pas des idéalistes. Le monde de la marine marchande est opaque, nous le rendons transparent en racontant le voyage du produit, quel est l’âge du capitaine ! La mer représente plus des 2/3 de la surface de la Terre, plus de 100 000 bateaux la parcourent. Nos bateaux sont fiables, peu chers et performants. De toute façon, comme disait Eric Tabarly “la mer ne ment pas”. On ne peut pas tricher !”

Le transport maritime mondial en quelques chiffres :

-90% des volumes transportés dans le monde transitent par la voie maritime.

-10,7 milliards de tonnes de marchandises transportées en 2017

-4% de croissance en 2017, la plus forte des 5 dernières années.

-L’activité devrait augmenter de 50% à 250% d’ici à 2050, selon les scénarios de l’Organisation Maritime Internationale (OMI)

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