A St Malo, l’industrie de propulseur à hydrogène pour le transport maritime est en marche. La Bretagne mise sur l’hydrogène écologique et pourrait même devenir l’un des principaux producteurs de cette énergie verte au monde. 190 acteurs de la filière sont déjà recensés sur le territoire. Et parmi eux, Energy Observer Developments qui travaille sur des systèmes de propulsion à hydrogène, pour que des bateaux « verts » naviguent sur la grande bleue.

A peine rentré d’expédition, Victorien est plus motivé que jamais. « il faut que l’hydrogène décarboné arrive dans la vraie vie des gens ». Sur son bateau Energy Observer amarré au quai de St Malo, le capitaine écume les kilomètres parcourus : près de 33 000 depuis leur départ en 2017, près de 50 escales, 25 pays, le tout avec zéro émission de CO2 et sans bruit. Quand on navigue, la ressource en abondance, c’est l’eau.

Ce mastodonte des mers a un système de pompage et de désalinisation de la mer. L’eau est alors utilisée pour produire de l’hydrogène, ensuite stocké et transformé en électricité grâce à une pile à combustible. Une énergie O émission de dioxyde de carbone et quasi infinie. Energy Observer a aussi multiplié les sources propres : l’hydrolien, l’eolien et le solaire.

« C’est bien beau d’avoir des outils comme nous qui font rêver mais si ça coute dix fois plus cher. Il faut rendre accessible ces technologies à travers une sélection des meilleurs partenaires industriels. Pour l’instant, l’hydrogène coûte 4 fois plus cher qu’un autre système de propulsion, l’idée est de réduire ça à 2 fois moins », précise Victorien Erussard.

Ils sont une quarantaine à travailler au sein du bureau d’études Energy Observer Developments, crée en juin dernier. Tous passionnés de bateaux, de la course au large ou de la marine marchande. Pour ne citer que quelques-uns, Louis Noel Viviès, DG de la SAS, ancien bras droit d’Olivier de Kerzauson, Jeremie Lagarrigue, ancien DG d’Hydropter, spécialiste des bateaux à foil.

L’objectif est de se servir des acquis du catamaran pour développer une filière complète dédiée, dans un premier temps, à la propulsion des bateaux grâce à l’hydrogène. Créer des systèmes de propulsion, des générateurs et stockage de l’hydrogène , pour remplacer des groupes électrogènes diesel.

« Malgré ce qui est dit, la technologie hydrogène est maitrisée, on ne s’est jamais senti en danger. La technologie du bateau marche très bien, les techniciens avant avaient les ongles souillés par la graisse, par le diesel, l’huile, maintenant vous avez un peu d’eau au fond des coques et ils ont les ongles blancs » s’amuse Victorien.

Ce navire représente ce qui peut être développé à terre à petite, moyenne et grande échelle : produire, stocker/emmagasiner et restituer de l’énergie.

Il existe très peu de station service à hydrogène dans le monde « Des stations d’hydrogène trop petites ça coûte trop cher il faut des grosses stations de production pour réduire le prix du kilo hydrogène donc en associant les usagers mer et terre, cela pourrait concurrencer le gazole. La barre c’est les 7,80 euros du kg d’hydrogène pour être compétitif face au gazole.»

Premier bateau écologique en 2022 ?

Les premiers utilisateurs pourraient être ceux de la grande plaisance : « Il y a des zones protégées en mer, il n’y aura plus le droit au diesel dans les calanques de Marseille au 1er janvier 2020, autant acheter des bateaux plus propres », affirme Louis Noel Vivies, directeur général de Energy Observer SAS.

Le premier pourrait voir le jour en 2022, un bateau de taille moyenne (moins de 40m) ou des navires de plaisance qui ne transportent pas plus de 100 passagers.

Le bureau d’études va lancer une importante levée de fonds à la fin de cette année. « Il nous faut acquérir des compétences en mécanique, électronique, électricité pour développer nos produits adapté au monde maritime. On veut accélérer cette technologie et surtout essayer de la rendre accessible à tous. Pour réduire le coût, il faut être bon sur l’ingénierie. »

Et pour être cohérent jusqu’au bout, Energy Observer Developments veut que cette industrie soit exemplaire, avec une neutralité carbone.

Bretagne, terre productrice d’hydrogène verte

Pour produire l’hydrogène, il faut le séparer aux éléments auxquels il est associé. Il faut donc de l’énergie pour réaliser une électrolyse. Aujourd’hui, 95% de l’hydrogène produit dans le monde, l’est à partir d’énergies fossiles. L’objectif est d’arriver à une production propre à partir de l’électrolyse de l’eau, grâce aux énergies renouvelables.

L’hydrogène, est décarboné, dite “verte” .

 « Ce que Energy Observer montre, c’est qu’il faut mixer les énergies pour avoir une alimentation électrique constante. Un des défis technologique est de produire et restituer cette énergie quand il n’y a plus de vent de soleil et qu’il fait nuit », explique Victorien.

La Bretagne a des centaines de kilomètres de côte et des terres agricoles. Les ressources vertes sont nombreuses : éolien, biogaz, énergie marée motrice.

La région Bretagne a donc décidé de devenir un pilier dans le développement de l’hydrogène.

« En Europe, la Bretagne est l’une des rares régions déjà positionnée, en mesure de bâtir une véritable filière, explique André Crocq, Conseiller régional délégué à la transition énergétique. Nous avons les cartes en main pour produire, transformer, stocker et distribuer de l’hydrogène, à partir d’énergies propres comme l’éolien ».

« En Bretagne on a un rôle à jouer, encore faut-il accepter de l’éolien off shore. On va droit dans le mur avec les énergies fossiles donc faut lâcher, oui on aura une vue avec des éoliennes off shore », explique Victorien. 

Les premières expériences bretonnes portent au-delà de l’industrie maritime, sur la conversion de véhicules routiers, la mise en place de stations de production et de desserte d’hydrogène vert à partir d’énergie renouvelable, la recherche industrielle autour de composants nouvelle génération… 

Les partisans de l’hydrogène s’appuie aussi sur le levier économique que peut représenter cette filière. Selon une étude commandée par l’hydrogen council, l’hydrogène pourrait, d’ici 2050, créer plus de 30 millions d’emploi dans le monde et générer un chiffre d’affaires de 2 500 milliards de dollars.