Alain Terpant, directeur de Bretagne Développement Innovation, explique ici comment le slogan "plus d'emplois, moins de carbone" peut se concrétiser en Bretagne. Plusieurs secteurs sont en première ligne, dont les mobilités, l'énergie, l'agroalimentaire.

Que vous inspire le slogan "plus d'emplois, mois de carbone", que l'on entend beaucoup ces temps-ci, en Bretagne et ailleurs?

Alain TERPANT - Ce pourrait être la raison d'être de BDI! Nous avons pour objectif de connecter les acteurs économiques bretons aux transitions impulsées par le Conseil régional, à travers ses feuilles de route stratégique. C'est le cas dans le domaine des mobilités, de l'énergie, de l'agroalimentaire, par exemple. Il est vital que les entreprises bretonnes participent à ces objectifs de décarbonation, tout en se développant sur ces nouveaux marchés porteurs.

Toutes le pourront-elles ?

C'est bien là tout l'enjeu. Il faut accompagner ces transitions. Certains métiers, liés historiquement aux énergies fossiles, par exemple, vont devoir se réinventer. Ce n'est pas toujours simple, car les compétences, les outils peuvent être différents entre les métiers d'hier et ceux de demain. Le maître-mot, c'est l'anticipation. Nous devons demain mieux détecter en amont tous les signes de changement et les conséquences d'une évolution vers une économie bas-carbone car c'est là que se trouveront les relais de croissance pour l'économie bretonne.

Comment y parvenir ?

Pour cela, nous disposons de plusieurs indicateurs: l'évolution de la réglementation, notamment européenne, qui fixe des objectifs ambitions à 10 ou 20 ans, nous renseigne sur la manière de préparer les évolutions de secteurs stratégiques, comme le transport terrestre ou maritime, par exemple. Il faut aussi scruter la dimension socio-économique secteur par secteur, en lien avec les acteurs directement concernés, les branches professionnelles et leurs représentants locaux. Il y a tout un travail de prospective à mener pour identifier les points de fragilité et établir une cartographie précise des entreprises concernées et des compétences mobilisables localement pour accompagner ces changements.

Il faut aller encore plus loin dans la détection des signaux de fragilité, pour mieux les anticiper et leur apporter des réponses concertées.

Cela peut fonctionner ?

J'en suis convaincu: regardez la manière dont le territoire de Lannion a su se mobiliser pour trouver des solutions durables après l'annonce du plan social chez Nokia, en 2020. Tout le monde a joué le jeu, à commencer par les acteurs locaux. Face à ce signal inquiétant, il s'est agi de trouver rapidement de nouveaux débouchés pour les salariés du bassin de Lannion, en attirant des entreprises intéressées par ces compétences de pointe, dans le domaine de la cybersécurité, par exemple. Cette méthode d'action collective, pilotée au niveau local avec le soutien de la Région et de l'État, pourrait faire école demain. Il faut aller encore plus loin dans la détection des signaux de fragilité, pour mieux les anticiper et leur apporter des réponses concertées.

Quels sont aujourd'hui les secteurs en Bretagne où le mot d'ordre "moins de carbone, plus d'emplois" trouve une illustration concrète ?

Je pourrai en citer plusieurs, au risque d'en oublier. Prenez les énergies marines renouvelables, avec la création d'un polder industriel de 4à hectares sur le port de Brest pour accompagner la construction des futurs champs d'éoliennes en mer. Alors que nous tablions sur 250 emplois équivalent temps plein à Brest pour la seule fabrication des fondations, nous pensons atteindre rapidement près du double en développant d'autres activités liées au champs en baie de Saint-Brieuc. Et il est frappant de constater combien les entreprises présentes sur cette zone modernisent actuellement leur outil industriel pour accompagner ce chantier d'envergure.

Il faut tenir compte des emplois générés par les activités nouvelles, sans oublier ceux qui sont maintenus grâce à la transformation des entreprises.

Dans le secteur de l'agroalimentaire, on note des initiatives très intéressantes dans le domaine de l'emballage à travers le programme Agretic. Et dans le nautisme, il faut saluer les réalisations liées à l'écoconception des navires, notamment dans la filière de la course au large, et le déploiement de solutions innovantes pour la décarbonation du transport maritime, avec l'essor de la propulsion à voiles, et demain, hydrogène. Mais cette notion de création d'emplois est finalement assez complexe: il faut tenir compte des emplois générés par les activités nouvelles, sans oublier ceux qui sont maintenus grâce à la transformation des entreprises.

Vous citez l'hydrogène, dont tout le monde parle actuellement. Cette technologie va-t-elle créer des emplois en Bretagne ?

Nous sommes en train de finaliser une étude détaillée sur cette filière, tant au niveau des acteurs que des projets et des territoires. C'est clairement une technologie avec laquelle il faudra compter demain. De même que le développement du numérique responsable, moins gourmand en énergie, concerne au premier chef une région comme là nôtre, connue pour ses compétences en informatique et en cybersécurité.