“Assurez ou on va tous y rester #chefsenperil”, c’est l’écriteau porté par ces restaurateurs, du patron de bistrot aux chefs étoilés. Ces propriétaires de bars, restaurants, hôtels, discothèques se battent pour que les compagnies d’assurance indemnisent leurs pertes d’exploitation et demandent à ce que l’état de catastrophe sanitaire soit reconnu.

Le samedi 14 mars à minuit, tous les restaurants, bars, hôtels, discothèques sont obligés de fermer leurs portes. L’Etat les y contraints pour faire face à l’épidémie de Covid-19 qui sévit sur le territoire national. “On a été prévenus le samedi à 20h qu’il fallait fermer 4h après. On n’a rien pu anticiper, on avait fait notre stock de nourriture”, expliquent Marie-José et son mari Olivier, propriétaires du restaurant “La petite auberge”, près de Fougères. S’en suivent, pour tous les restaurateurs, les démarches de chômage partiel pour les salariés et les courriers envoyés à leurs assurances pour obtenir l’indemnisation de perte d’exploitation. “Et là, on se rend compte qu’on n’est pas couverts. C’est une pandémie, pas une perte d’exploitation liée à un sinistre dans notre établissement ! Donc on paie chaque mois une assurance, pour au final ne pas avoir droit à une indemnité pour perte d’exploitation”, constate, amère, Marie-José de “La petite auberge”. Le couple, qui a 3 enfants, fait vite ses calculs. C’est leur établissement qui nourrit toute la famille. Ils décident d’adhérer au collectif #restoensemble, qui se mobilise pour que les restaurateurs ne soient pas laissés de coté.

#restoensemble, collectif national de restaurateurs crée suite au Covid-19

En Bretagne, ils sont une cinquantaine de chefs à avoir rejoint le mouvement #restoensemble. Nicolas Adam, chef étoilé de “La vieille Tour”, à Plérin, dans les Côtes d’Armor a rejoint ses amis, patrons comme lui, de restaurant. “Nous sommes amis, on part en vacances ensemble, là, on se bat ensemble”. Ces 4 copains sont aux quatre coins de la France (Ile de France, La Rochelle, Marseille et la Bretagne). Leur page Facebook a été vue plus d’1 million de fois et le chef breton n’est pas peu fier de voir que sur ses terres, la mobilisation est importante. “Les bretons ont l’habitude de prendre les combats à bras le corps, d’être des battants, de rien lâcher”, prévient le chef de file du collectif en Bretagne. Leur combat ? Faire bouger les compagnies d’assurance pour que les pertes d’exploitation soient indemnisées et demander au gouvernement de les soutenir en déclarant l’état de catastrophe sanitaire. “Le gouvernement parle de guerre, mais ne déclare pas d’état de catastrophe sanitaire !”, constate, consterné, Nicolas Adam. Alors ils se battent avec leurs moyens. La secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher affirme que seulement 50% des restaurateurs en France ont souscrit une assurance perte d’exploitation. Le collectif lance alors un sondage auprès de 1700 restaurateurs, résultat : 90,8% des sondés ont un contrat d’assurance. “C’est ensemble que nous y arriverons. Nous représentons tout le monde, du petit bistrot au restaurant gastro. Nous avons déjà eu une victoire en obtenant le chômage partiel à 39h pour nos salariés”, explique le patron de “La vieille Tour” qui emploie 8 personnes dans son établissement. “Chaque jour, j’ai des patrons qui sont au bord du gouffre. Ceux qui ont une trésorerie fragile, ils ne vont pas se relever si on ne les aide pas”, constate Nicolas Adam. “Ce matin, une restauratrice m’a appelée, elle était en larmes, ils ont ouvert leur établissement il y a un mois. Ca fait tellement mal au coeur de voir cette détresse, on ne peut pas baisser les bras”, affirme, haut et fort, le couple propriétaire de “La petite auberge”.

Les compagnies d’assurance, grandes absentes de la solidarité nationale ?

C’est un véritable statut quo entre le gouvernement et les compagnies d’assurance. Patricia Le Goff, courtier en assurance pour les professionnels, a tous les jours des clients perdus au téléphone. “Je ne peux que répéter que leur assurance pour perte d’exploitation ne peut pas jouer puisque ce n’est pas un sinistre dans leur établissement. Il y a un véritable vide juridique, la pandémie n’a jamais été anticipée au niveau des assurances”, explique-t-elle. Un fonds de solidarité de 200 millions d’euros a été mis en place par les compagnies. Certaines, ces derniers jours, multiplient les gestes en annonçant augmenter leur part au fonds de solidarité. “On ne sait pas trop à qui il va être versé. En France, il y a plus de 200 000 restaurateurs, cela ne va pas être suffisant”, calcule le chef breton. Mais, dans ce contexte, la prise en charge des pertes d’exploitation sans dommages est impossible pour les assureurs, affirme la présidente de la FFA Florence Lustman. “Elles ne vont pas avoir les moyens de verser ces indemnités, il n’y a pas eu de cotisations versées pour cette pandémie ou cela amènerait à une hausse des primes d’assurances, mais d’une telle ampleur qu’elles ne pourront pas l’appliquer”, explique Patricia Le Goff. Ce qui est en réflexion, c’est un fonds pour les pandémies à venir. Les #chefsenperil ne veulent évidemment pas attendre les prochaines épidémies et demandent à ce que l’Etat déclare l’état de catastrophe sanitaire, ce qui déclencherait une indemnisation des assurances. Les restaurateurs reconnaissent les efforts faits par le gouvernement (report de charges, chômage partiel…) mais ils savent que pour certains, ces mesures ne seront pas suffisantes pour survivre à la crise. Les adhésions à leur mouvement, chaque jour, augmentent. Marie-José, Olivier, Nicolas et les quelques 7 000 autres adhérents à #restoensemble se battront jusqu’au bout “parce qu’il est trop dur de voir la détresse de ces chefs qui ne savent pas s’ils pourront, demain, ouvrir à nouveau leur restaurant.”

Marie-José et Olivier sont propriétaires de leur restaurant. C'est leur seule source de revenus pour eux et leurs 3 enfants.