Près de 100 000 tonnes d’huîtres sont produites par an en France. 40% des huîtres consommées sont triploïdes. Certains ostréiculteurs refusent de travailler cette huître transformée en laboratoire et passent en label AB (agriculture biologique).

Aujourd’hui, ils sont peu en Bretagne comme Jerôme, à apposer le label AB, agriculture biologique, sur les étals de leurs huitres. Le nombre de productions ostréicoles bio, en France, est assez faible mais il est en croissance. Jerôme Loire, ostréiculteur bio à Locoal-Mendon dans le Morbihan, produit les huîtres Papy’taine. Il a passé son exploitation en bio en 2018 : “Nous étions déjà dans cette démarche. Historiquement, nous sommes installés depuis 1994, et dès le départ, je n’ai pas eu envie de travailler l’huître triploïde“, explique-t-il.

L’entreprise familiale vend 50% de sa production en direct, et 50% à d’autres ostréiculteurs. Les rayons bio des grandes surfaces se développent, la labellisation ouvre les portes des marchés bio. « Cela nous permet aussi une transparence vis-à-vis de nos consommateurs, qui est de plus en plus demandée. Avec le label, on doit préciser ce que l’on fait, la manière dont on gère la croissance de l’huître. On a un produit magique, de plaisir, festif. On travaille dans des mileux naturels incroyables. Pour 1 tonne d’huîtres produites, on économise 500 kg de CO2. On a décidé de baisser la densité sur les parcs : 3 500 poches par hectare au lieu de 5 000 “, explique, enthousiaste, Jérôme. 

“L’huître bio, c’est un phénomène nouveau dans l’ostréiculture française, c’est quelque chose qui est tout à fait récent pour nous”, explique Philippe Le Gal, président du comité national de la conchyliculture et exploitant ostréicole en Bretagne, près de Vannes.

Le label AB exclut les huîtres triploïdes

Le cahier des charges du label est clair. Pas d’huîtres triploïdes et une qualité de l’eau à respecter. L’eau dans laquelle les huîtres sont élevées pendant trois ans ne doit contenir ni métaux, pesticides ou polluants industriels. Elle doit aussi être suffisamment riche en phytoplanctons et nutriments. C’est l’Ifremer qui se charge de vérifier les concentrations des différents composants. Au moindre changement, les données sont envoyées à l’Agence bio.

Autre critère, les huîtres ne doivent pas être triploïdes. Aujourd’hui, elles représentent 40% de la production d’huîtres en France. Dans les années 90, cette huître asexuée a été mise sur le marché. Une de ses vertus, elle ne se reproduit pas. « On nous a toujours dit qu’on ne pouvait pas manger d’huîtres les mois qui ne sont pas en R donc mai, juin, juillet, août, en plein été. C’est la période où les huîtres ont de la laitance. La triploïde n’est pas laiteuse en été. Cela la rend plus alléchante pour les consommateurs et ouvre des marchés estivaux au plus fort de la fréquentation touristique. On l’appelle l’huître des 4 saisons“, précise Stéphane Pouvreau, biologiste marin à l’IFREMER.

L’huître triploïde est sélectionnée en laboratoire

« Le père et la mère viennent du milieu naturel, ils sont sélectionnés en laboratoire. Créées artificiellement, ces huîtres triploïdes contiennent trois chromosomes, ce qui empêche la reproduction. Cette particularité a séduit de nombreux ostréiculteurs. Comme leur énergie ne sert pas à la reproduction mais exclusivement à leur développement, leur cycle de production est de deux ans au lieu de trois”, explique Stéphane Pouvreau.

Pas de goût différent, pas de texture différente, rien ne peut distinguer une huître diploïde, naturelle, d’une huître triploïde. Philippe Le Gal, président du syndicat, ne comprend pas l’exclusion de la triploïde dans le label AB: “Ce n’est pas une huître transformée, ce n’est pas un OGM, c’est juste une anomalie chromosomique“, précise-t-il. De son côté, Jérôme Loire l’appelle “un organisme génétiquement maltraité”. Près d’une huître sur deux, consommée en France, est triploïde. Difficile de le savoir pour le consommateur, car il n’y a pas d’obligation d’affichage.

Un audit national lancé sur l’étiquetage des huîtres

Le comité national de la conchyliculture, sous l’impulsion de son président Philippe Le Gal, a décidé de déclencher un audit national. “Cet audit a débuté en août dernier et devrait se terminer au printemps 2020. Des professionnels, des associations de consommateurs étudient s’il doit y avoir un étiquetage pour les huîtres et quelles informations doivent apparaître”, explique-t-il. L’enjeu est donc de donner le maximum d’information au consommateur. Et que faut-il préciser ? Si une huître est triploïde ? Ou si les naissains sont naturels ou proviennent d’écloserie ? Le débat s’annonce vif.