Les français n’ont jamais autant entrepris selon une dernière étude de l’Insee. Les femmes ne représentent que 27% des entrepreneurs en France. En Bretagne, les femmes chefs d’entreprise sont plus nombreuses que dans d’autres régions. Plein phare sur l’Ouest, terre de l’entreprenariat féminin ?

4 femmes chef d’entreprise, d’âge différent, de secteur différent, débutante ou chevronnée. Chez Ebzh, pour comprendre pourquoi l’entreprenariat féminin se porte mieux en Bretagne avec près de 30% des chefs d’entreprise (selon une étude INSEE) contre 27,3% en France (selon une étude Infogreffe parue en 2018), nous sommes allées à la rencontre de ces femmes, à la tête d’entreprises de taille différente, de sensibilités différentes mais toutes avec cette même soif d’égalité avec les hommes !

” On ne doit pas douter de nous “

“En soi, le processus de création d’entreprise est simple, ce qui va rendre le chemin difficile, ce sont les freins que l’on va se mettre “, avoue Stéphanie Maros, jeune femme de 31 ans, dirigeante et fondatrice de la société Senext créée en 2019. Plusieurs années salariée, elle s’est lancée dans l’aventure entreprenariale par “besoin de quête de sens. Je voulais avoir un impact social.” La Bretagne est une terre de réseaux professionnels, Stéphanie est filleule de YAO! (“Allons-y” en breton) qui est un fonds de dotation pour la jeunesse de Bretagne qui veut entreprendre. Avant de se lancer, la bretonne des Côtes d’Armor a intégré “Femmes de Bretagne”, réseau de l’entreprenariat féminin. ” C’est important d’appartenir à des réseaux, cela permet de rencontrer des gens, il y a une bienveillance envers les porteurs de projet ici”, précise la fondatrice de Senext. “Notre but est d’arrêter l’isolement dans lequel se trouvent les femmes qui veulent entreprendre. “Femmes de Bretagne”, c’est un réseau d’entraide et de bienveillance. Nous sommes présentes dans 40 villes sur les 4 départements bretons et la Loire-Atlantique”, explique Caroline Roger-Moigneu, directrice du réseau breton. Une fois lancée, il faut trouver les financements, des investisseurs. “Maintenant je cherche des fonds et les chiffres montrent que c’est plus difficile pour les femmes d’obtenir un financement que pour les hommes. J’ai 31 ans, je suis jeune, femme, célibataire, je vois bien que je ne suis pas rassurante pour les banquiers. Pour autant, je fonce, je crois en mon projet, je suis convaincante et du coup on me suit ! En tant que femme, on doit surement déployer plus d’énergie auprès des institutionnels.” Les études montrent que les femmes créent leur entreprise bien souvent pour assurer leur propre emploi et être indépendantes. Elles recourent moins fréquemment à l’emprunt que les hommes et manifestent de la prudence dans la gestion de leurs entreprises (plus de détails, ici)

” Osez entreprendre ! “

“Il faut arrêter de douter de tout, tout le temps, il faut que les femmes osent entreprendre et qu’elles prennent confiance en elles”, affirme, déterminée, Gaëlle Aubrée, directrice générale adjointe de Monemprunt.com, courtier sur le web qui donne accès au crédit immobilier. “J’ai toujours évolué dans un milieu masculin. Quand je me suis retrouvée chef de chantier en tant que directrice du centre commercial Alma, j’étais la seule femme ! Mais cela ne m’a jamais dérangé parce que je n’ai jamais douté de ma légitimité.” Les 30% de femmes entrepreneurs en Bretagne sont essentiellement dans des secteurs tels que la santé, le social. “Les femmes que je rencontre veulent donner du sens à leur travail, et surtout veulent concilier vie personnelle et vie professionnelle”, explique Caroline, directrice de “Femmes de Bretagne”. Gaëlle accompagne de jeunes femmes dans leur parcours de chef d’entreprise et très vite se pose cette question, d’allier enfants et entreprenariat. “Les femmes se lancent plus jeunes mais à chaque fois se pose la question : est-ce que je dois lancer mon entreprise avant ou après avoir fait des enfants ? Même si les hommes aujourd’hui accordent plus d’importance à leur vie de famille, ils ne se poseront jamais cette question pour entreprendre. A ces jeunes femmes, pour lesquelles ce n’est jamais le bon moment pour entreprendre, je leur dis il faut foncer !”, affirme Gaëlle Aubrée.

” Arrêtons de culpabiliser les mamans chefs d’entreprise “

” Je n’ai pas travaillé pendant 12 ans pour m’occuper de mes 2 enfants. Quand j’ai voulu avoir une activité, j’ai crée une structure qui me permettait d’allier travail et enfants, mais qu’est-ce que j’étais seule ! C’était horrible, c’est pour ça que j’ai voulu créer un lieu de co-working à Rennes”, explique Laure Haezebrouck, fondatrice de The Loft à Rennes.

Pour cette chef d’entreprise, seule à la barre depuis 4 ans, les femmes ont des difficultés à assumer leur statut d’entrepreneur parce qu’elles sont freinées par leur vie familiale. “Il faut arrêter de faire culpabiliser les femmes. J’ai dit à mes enfants que j’allais avoir besoin d’eux, que je serais moins présente et qu’ils devront m’aider, c’est simple. Quand on explique les choses, il n’y a pas de problème !”, affirme, enthousiaste, Laure. Allier vie personnelle et vie professionnelle, c’est un des critères majeurs chez la femme porteuse de projet, constate Caroline de “Femmes de Bretagne” : “il faut que notre réseau soit géographiquement proche d’elles, pour rompre l’isolement et pour faciliter l’accès aux ateliers de compétence que l’on propose sur différentes thèmes comme le business plan, comment convaincre son banquier”, précise la directrice du réseau breton.

Le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme.

WINSTON CHURCHILL

Toutes ces femmes chefs d’entreprise parlent d’éducation à faire dès le plus jeune âge. “Montrer que des femmes qui réussissent ça existe. Si votre projet tient la route, tout le monde vous suivra, il faut juste être conquérante dès le départ, ne pas manquer de confiance et accepter l’échec. Entreprendre, c’est accepter de gagner 6 combats sur 10, et donc accepter les 4 échecs !”, précise la fondatrice de The Loft, qui s’apprête à ouvrir un deuxième lieu de co-working à Rennes.

” Elles sont où les femmes à la tête de grandes entreprises ? “

“Quand je me suis lancée dans l’entreprenariat, il y a 17 ans, j’étais celle dont tout le monde se moquait. Heureusement, ça a changé ! La Bretagne est une terre d’entrepreneurs, c’est culturel. Au Nord, il y a de l’eau, à l’Ouest aussi et au Sud, pareil…on ne peut pas reporter le problème, il faut y arriver ici, avec ces contraintes. Et nous sommes orgueilleux parce que ce n’est pas parce qu’on est au bout du monde, qu’on doit nous oublier”, explique Marie-Laure Collet, fondatrice d’Abaka, conseil en recrutement. La clé de la réussite vient pour cette chef d’entreprise qui emploie 40 personnes, de ne pas chercher à réussir : ” Il faut avoir confiance mais pas trop non plus. Je n’ai pas cherché à être entrepreneur, c’est un concours de circonstance et chaque jour, je me dis que ce n’est pas acquis. Pour y arriver, il faut travailler, être humble et pragmatique et cela vaut pour les femmes comme pour les hommes.”

Toutes constatent que les mentalités évoluent, qu’il n’y a plus de réel frein à ce que les femmes entreprennent. “Les banquiers aujourd’hui disent “en plus c’est une femme” et plus “parce que c’est une femme”. Cela avance ! Il y a 6-7 ans, quand le législateur a parlé de parité et qu’il fallait des femmes dans les conseils d’administration, j’avais une quantité incroyable de propositions ! On m’appelait pas pour mes compétences à prendre un mandat mais parce que j’étais une femme !, s’exaspère Marie-Laure Collet.

La Bretagne a pour objectif d’atteindre les 40% de femmes entrepreneurs d’ici la fin de l’année. La Région, BPI et l’Etat ont signé, le 24 septembre 2019 le 3ème plan d’action pour l’entrepreneuriat des femmes. “Combien dans ces 30% ont des salariés, sont à la tête d’ETI (Entreprise de taille intermédiaire), s’interroge la patronne d’Abaka. Il y a encore un plafond de verre en France où trop peu de femmes dirigent de grandes entreprises. Là, on est loin de la parité !”.

En 2014, 19 500 entreprises ont été créées en Bretagne, dont 6 800 par des femmes. Dans l’ensemble des entreprises créées dans la région, 10 300 le sont par des auto-entrepreneurs. Les femmes chefs d’entreprise dirigent en très grande majorité des entreprises individuelles ou des TPE (Très Petite Entreprise).