L’entreprise bretonne, Algo, fabrique des peintures à base de poudre d’algues ramassées au large du Finistère. Sous le couvercle, plus qu’un produit écologique, une économie circulaire made in Breizh.
C’est en voyant sous sa douche un shampoing à base d’algues que Louis Bouillon, dirigeant de l’entreprise de peinture industrielle Fegor, se dit qu’il doit bien être possible d’en faire des peintures. Cette révélation, pas en se rasant, comme ça a pu arriver à d’autres, arrive au moment de la crise économique de 2008. « En peinture bâtiment, on sous-traitait à cette époque. J’ai décidé de prendre le contre-pied des grands groupes en lançant Algo. L’idée était simple, sortir de la pétrochimie, aller chercher nos matières premières non plus aux quatre coins du monde mais en privilégiant les ressources locales et enfin valoriser les matières naturelles », explique Louis Bouillon, PDG d’Algo Paint. Après tout va très vite, 2012, 1er prototype industriel, plusieurs prix à son actif, lauréat d’un concours d’innovation en Ille-et-Vilaine, grand prix Entreprise et Environnement du ministère de l’Écologie en 2014 et la Cop 21 en 2015 où Algo fait partie des 30 solutions pour le climat Le 30 juin 2015, est créée la start-up Algo en faisant appel au crowdfunding. « Nous sommes une petite sardine face à de grosses baleines. Le marché de la peinture est adossé à 90% à la pétrochimie, cette industrie appartient à de grands groupes, c’est un secteur « trumpisé », la moitié des bâtiments sur Rennes sont faits avec de la peinture américaine. Quand on applique Algo, l’argent revient à une entreprise bretonne qui va faire travailler l’économie circulaire, ça donne du sens.» Peinture à destination des professionnels, elle conquiert également le marché du grand public grâce à des distributeurs tels que Leroy Merlin, et M. Bricolage qui leur font tout de suite confiance. Pour le conditionnement, Louis Bouillon fait appel à un centre d’aide par le travail qui emploie des personnes handicapées, à quelques kilomètres de Vern sur Seiche, siège de l’entreprise. Il tient à nous faire visiter ce site. « Pour être de vrais acteurs du changement, c’est une évidence d’avoir une approche collaborative. Quand les volumes de distribution ont augmenté, nous avons fait appel à un nouveau partenaire mais nous voulions garder notre collaboration avec l’ESAT. Ce sont eux qui s’occupent du conditionnement de nos produits pour la vente en ligne » Il y en a eu des râtés avant de trouver la bonne recette pour que du ramassage des algues dans le Finistère, il n’y ait plus qu’à prendre un pinceau pour appliquer la peinture. Louis Bouillon sourit quand on lui demande la recette de sa peinture, c’est celle d’une pâte à crêpes s’amuse-t-il, un mélange précis de différents ingrédients, tout est soigneusement noté, et les quantités savamment cachées. Il y a différentes sortes de poudre d’algues utilisées. Les produits sont régulièrement contrôlés. Algo a le certificat Ecolabel européen et répond aux normes environnementales en étant classé A+ pour les émissions de gaz à effet de serre. « C’est une peinture à base de matière première végétale mais ça ne devait pas pour autant être un produit moins exigeant qu’une peinture classique. On a tout de suite voulu se positionner en haut de gamme. » Entre 2008, génèse de l’idée et son développement en 2019, Louis Bouillon a vu les mentalités évoluer : « Les particuliers sont plus attentifs à l’origine des produits, c’est donner du sens à l’acte d’achat, il n’y a pas une semaine sans qu’on ne reçoive des mails de gens qui nous félicitent pour notre démarche. » Il a fallu aussi convaincre les professionnels. Algo met en place une Algo Team, des peintres prescripteurs, formés par les équipes Algo, qui est organisme de formation. « Nous sommes allés chercher des entreprises qui étaient déjà dans une démarche RSE, qui sont déjà sensibilisées. Aujourd’hui, nous n’avons pas de problème de légitimité de notre produit, on a assez de m2 d’application pour savoir que cela fonctionne ». Les emballages des peintures professionnelles sont noirs, couleur atypique, car confectionnés à partir de matière recyclable. Et le PDG d’Algo est déjà en réflexion pour les contenants AlgoDeco. L’entreprise veut faire des émules, multiplier les partenaires, les utilisateurs professionnels prescripteurs et conquérir de nouveaux marchés européens, à commencer par la Belgique, la Suisse. « Chaque année, je prends mon bâton de pèlerin pour faire connaître nos produits, c’est un acte militant d’acheter notre peinture ». Une idée née sous la douche…
De la poudre d’algues… aux murs