Coop des masques en difficulté : la relocalisation à l'épreuve des faits

15 jours pour éviter le dépôt de bilan. La Coop des masques, basée à Grâces, dans les Côtes d'Armor, fabrique des masques homologués chirurgicaux et FFP2. Aujourd'hui, 6 millions de masques dorment dans les hangars. La société coopérative brade ses stocks et en appelle à la solidarité des entreprises et collectivités bretonnes.

Guy Hascoët, président de la Société coopérative d’intérêt collectif (Scic) La Coop des masques, ne s'attendait pas à ça. Début 2021, les premiers masques chirurgicaux made in Bretagne sortaient de l'usine implantée à Grâces, près de Guingamp, dans les Côtes d'Armor. Avec une ambition de production affichée à 45 millions de masques par an, la Coop des masques, aujourd'hui, n'arrive pas à écouler ses stocks. "Nous avons 6 millions de masques dans notre hangar. Nous devons en vendre 2 millions d'ici 15 jours pour ne pas être amenés à déposer le bilan", explique avec amertume, l’ancien secrétaire d’Etat à l’Economie solidaire du gouvernement Jospin. Pour écouler ses masques, la Coop des masques a lancé une opération de déstockage ces derniers jours avec des promos de 30 à 50 % sur les lots de masques.

"Tout le monde, dans l'écosystème, a un bout de la réponse"

Comment cette usine, qui répondait à une volonté d'Etat de relocaliser en France la production de masques qui avait fait tant défaut au début de l'épidémie, se retrouve quelques mois à peine, en difficulté de trésorerie ?  "Des engagements non tenus, celles et ceux qui ont fait faux bond, c'est une des raisons de nos difficultés. On nous a dit "on sera là pour vous", et puis plus rien", constate, dépité, le président du conseil d'administration de la Coop. Celui qui porte le projet à bout de bras depuis plus d'un an évoque deux autres causes : les entreprises cibles de la Coop des Masques que sont les services de santé ont des stocks pour plus de 6 mois voire un an. Et les achats locaux tant vantés, promus lors de la crise sanitaire, sont loin de faire légion : " les actes ne suivent pas, puisque près de 98 % des achats français de masques se font toujours vers l’Asie. Relocaliser nécessite de changer les règles, d'acheter autrement. On ne peut pas rivaliser avec des masques produits en Chine", affirme Guy Hascoët. Il en appelle à la solidarité des entreprises bretonnes "pas beaucoup là", précise-t-il, des collectivités, des professionnels de santé. "La commune de Grâces s'est réunie avec d'autres collectivités pour acheter des masques. Si 500 cartons partent, c'est 1 million de masques déstockés." L'appel, lancé le 20 septembre, a déjà été entendu. 400 000 masques ont déjà été commandés. Un début prometteur mais non suffisant pour garantir les emplois des quelque 23 salariés de la Coop des masques.

"Relocaliser nécessite de changer les règles, d'acheter autrement." Guy Hascoët

La Région Bretagne embarrassée

Cette dimension sociale n'échappe pas à Laurence Fortin, vice-présidente du Conseil régional de Bretagne en charge des territoires, de l'économie et de l'emploi. "Nous suivons l'évolution du dossier au jour le jour", souligne-t-elle. Toutefois, l'appartenance de la Coop des masques au monde de l'ESS (économie sociale et solidaire) ne suffit pas à garantir son succès. "C'est une entreprise qui doit trouver son marché", nous explique t-elle. Une manière de rappeler que les causes des difficultés actuelles peuvent aussi provenir du pilotage commercial de la société.

Laurence Fortin :«Des acteurs engagés dans l’aventure n’ont pas joué le jeu »
Pour Laurence Fortin, vice-présidente de la région Bretagne en charge des territoires, de l’économie et de l’habitat, la situation que traverse la Coop des masques pose la question de l’engagement des acteurs, mais aussi du pilotage d’une entreprise privée qui doit encore trouver son marché.

La Banque des Territoires, qui avait accordé un prêt participatif de 500.000 euros à la coopérative, et qui a participé au montage financier de la reprise de l'ancienne usine Honeywell via la Société d'économie mixte Breizh Immo, se déclare également mobilisée aux côtés de l'équipe de la Coop des masques, à travers un accompagnement en ingénierie et en financement. "Des solutions vont être rapidement trouvées", laisse entendre l'entourage du directeur régional de la Banque des Territoires, Patrice Bodier. Le coup gueule médiatique de Guy Hascoët sera-t-il payant? La réponse, en tout cas, sera vite connue car les échéances se rapprochent inexorablement.

La Coop des masques, un modèle coopératif et solidaire

Pour mémoire, c'est en pleine crise sanitaire, où françaises et français se mobilisaient en confectionnant des masques à domicile pour les personnels soignants, qu'est né le projet de la Coop des masques soutenu par la région Bretagne. Une entreprise basée sur un modèle coopératif et solidaire, avec 5 parties prenantes autour du projet de relance de production de masques : collectivités, entreprises, usagers, citoyens et salariés. Retour sur la genèse du projet dans l'article ci-dessous qu'Entreprendre.bzh lui avait consacré.

Une nouvelle usine de masques en Bretagne ? Bretons, mobilisez-vous !
Tout est prêt. Le nom “La Coop des Masques-Bretonne et Solidaire”, le lieuGrâces, près de Guingamp, la production, des masques chirurgicaux et FFP2. Il nemanque plus que les fonds pour qu’une nouvelle usine de masques voit le jour enBretagne. Collectivités, entreprises et vous, bretonnes et breto…