"Mesurer le risque en temps réel". Les patrons tiraillés entre activité et sécurité
Qu’est-ce qu’une activité essentielle ? Un produit de première nécessité ? Comment concilier reprise d’activité et sécurité des salariés ? Ces questions sont celles que se posent tous les patrons qui doivent poursuivre leur activité économique. Entretien avec Ludovic Brizard, directeur Leroy Merlin (Pleurtuit).
“Comment vous êtes-vous organisé à la suite de la fermeture du magasin au public ?” Ludovic Brizard, directeur Leroy Merlin (Pleurtuit) : “Nous avons fermé le samedi 14 mars au soir. Le lundi et mardi suivants, il a fallu gérer tout ce qui avait été laissé en plan, réceptionner les camions et leurs marchandises. Nous avons vraiment été fermés 2 semaines puisqu’après nous avons mis en place le drive.” “Pourquoi avoir maintenu une activité ?” Ludovic Brizard :”Nous sommes obligés par décret. Nous devons répondre aux besoins de première nécessité et c’est une condition sine qua non pour avoir droit au chômage partiel. Nous avons débuté avec 12 volontaires pour assurer la vente en drive de matériaux essentiels tels que de l’électricité, de la plomberie, chauffage. Depuis nous avons élargi l’offre, peinture, kärcher….Mais l’activité est très faible, beaucoup d’entreprises ne produisent plus, certains transporteurs ne livrent plus. Les premiers jours, nous avons fait 3% de notre chiffre d’affaires habituel.” “Vous assurez un service de drive, de livraison, de la vente de gros oeuvre, comment garantissez-vous la sécurité de vos salariés et des consommateurs ?” Ludovic Brizard : “Nous sommes 25 à travailler sur 130 collaborateurs, tous sur la base du volontariat. Tout le matériel de protection que nous avions, nous les avons donnés aux hôpitaux, infirmières…J’ai réussi à trouver des masques grâce au système D, à l’entraide entre commerçants et les associations. Pour le drive, il n’y a aucun contact avec le client. Pour les matériaux de gros oeuvre, j’ai fourni des masques aux équipes. La livraison, c’est une dépose sur le trottoir, pas de formulaire à signer, pas de contact avec le client.” “Les gestes barrière sont-ils faciles à mettre en place ?” Ludovic Brizard : “Les “déconfinés” récents sont ceux pour qui ces gestes sont les plus difficiles à mettre en oeuvre. Ceux qui sont sur le terrain depuis plusieurs semaines les ont parfaitement intégrés. Chaque lundi, avec les nouveaux arrivants, nous rappelons les règles sanitaires à respecter.” “Vous avez dû modifier votre organisation interne ?” Ludovic Brizard : “C’est ce qui a été le plus compliqué. Les collaborateurs volontaires ne sont pas forcément ceux qui avaient un poste qui correspond à nos besoins aujourd’hui. Il faut former. Un de mes collaborateurs qui donne des cours de bricolage s’occupe aujourd’hui de la relation client et de l’encaissement. J’étais moi-même sur le parking aujourd’hui pour répondre aux questions de nos clients. C’est une organisation nouvelle à mettre en place.” “Dans ce contexte particulier, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confronté ?” Ludovic Brizard : “Ce qui est difficile c’est qu’il faut répondre à l’injonction de donner accès aux besoins de première nécessité. Quels sont-ils ? Pouvoir faire sa terrasse, sa clôture, cela y répond-il ? Et en même temps, je dois mesurer le risque pour les salariés en temps réel. Si j’augmente le drive de 200 par jour, à 400, cela implique plus de personnel, donc plus de risques de se croiser. Chaque semaine, nous élargissons notre offre de produits pour répondre aux besoins des particuliers de jardiner, bricoler. C’est la vie qui reprend.” “Comment voyez-vous les semaines à venir ?” Ludovic Brizard : “Nous élargissons notre offre de produits pour répondre aux besoins des particuliers de jardiner, bricoler. On se réorganise pour faire plus, la demande est forte. A titre d’exemple, nous avons eu plus de 20 000 visites sur notre compte Facebook hier (pour tout savoir sur le fonctionnement du magasin, c’est ici). En interne, il va falloir, une fois le confinement levé, recréer du lien, que les salariés retrouvent leur entreprise…”